Ya jeddi… Lettre à mon grand-père

Lettre à mon grand-père

Ya jeddi… Lettre à mon grand-père

Ya jeddi…

[Ô mon grand-père]

Comment est-il possible de se sentir aussi proche d’une personne que l’on n’a pas connue? Je ne te connais pas, mais je pense à toi chaque jour.

Même si ce n’est pas tout à fait exact. Déjà, nous nous sommes rencontrés quand j’avais deux ans. Je n’en ai malheureusement aucun souvenir.

Et puis, le lien entre nous est bien réel. C’est à travers les souvenirs de mon père que tu existes pour moi.

Mon père est plutôt taciturne. Mais les rares fois où il se laisse aller à exprimer sa sensibilité et sa douceur, c’est quand il parle de toi. On dit que les berbères sont courageux mais pudiques…

Chaque histoire, chaque anecdote, je les ai recueillies dans un coin de ma mémoire. J’ai dû faire preuve de persévérance, et recoller patiemment tous les morceaux, pour en apprendre davantage sur son histoire et sur la tienne. Et donc sur la mienne.

J’observe aujourd’hui mon père avec sa petite-fille, ma nièce. Les gens ont tendance à être beaucoup plus tendres et indulgents avec leurs petits-enfants. Je crois que j’aurais aimé avoir ce lien moi aussi, et j’essaie d’imaginer les conversations que nous aurions pu avoir.

A vrai dire, j’aurais aimé partager beaucoup de choses avec toi.

Que tu me montres comment danser le charleston, comme te l’avait montré un Américain rencontré dans les vignes.

Que tu goûtes les tomates que j’ai plantées et récoltées, toi qui étais un expert des semis.

Que tu me dises ce que tu penses de la poésie de Rumi.

Que tu me racontes l’exil vers l’Algérie puis le retour au Maroc, dans cette maison fabriquée par mon arrière-grand-père.

Que tu me parles en espagnol, langue que tu as apprise lorsque tu vivais près de Melilla. Mais que tu m’aides aussi à bien prononcer le dialecte algérien, moi qui ai appris l’arabe à l’université.

J’aurais aimé que tu sois au moins un peu fier de moi, « l’intellectuelle » comme m’appelle parfois mon père. Alors même que tu ne savais pas écrire, tu as poussé mon père à étudier, et lui-même m’a transmis l’amour du savoir. Le chemin parcouru par notre famille en l’espace de deux générations est assez incroyable quand on y pense. Enfant, mon père gardait les moutons et faisait ses devoirs à la lueur d’une lampe à pétrole. Aujourd’hui, j’écris cet article sur mon ordinateur, et je le mettrai en ligne sur mon blog!

Surtout, j’aurais aimé te remercier pour la force et l’amour de la liberté que tu nous as inculqués. Pour le courage aussi. Le courage de mon père, qui m’inspire au quotidien, c’est à toi que je le dois.

Ces derniers mois ont été difficiles. Bien sûr, mes épreuves  sont dérisoires par rapport à l’adversité que tu trop souvent as connue. Moi la Parisienne et toi le Rifain… Mais je veux croire que tu ne me jugerais pas et que tu saurais, comme mon père et ma mère aujourd’hui, trouver les mots.

Mes parents sont mes piliers. Si ma mère m’encourage à poursuivre la réalisation de mes rêves, mon père me rappelle constamment quelles sont mes valeurs. Ils sont un peu comme un arbre, avec ses feuilles et ses racines…

Justement , je suis fière de mes racines. Alors que je suis à un tournant de ma vie, je me sens étonnamment sereine. Car mes fondations sont solides. Peu importe où je vais, je sais qui je suis!

Alors merci ya Jeddi, et que Dieu te bénisse

 

Lettre à mon grand-père

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4 Replies to “Ya jeddi… Lettre à mon grand-père”

  1. Coucou je retombe sur ton article aujourd’hui je reste sans voix c’est à la fois touchant et beau comme ya jeddi merci pour ce moment

    1. Merci ♥♥♥ J’ai trouvé que le blog était l’endroit parfait pour exprimer toutes ces pensées que j’ai depuis longtemps

  2. Magnifique hommage à un si grand homme 😍

    1. ♥♥♥

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